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Certificat de travail en Suisse - Final/Intermédiaire, Simple/Complet, Litiges et jurisprudence

Le certificat de travail est un document important pour chaque salarié mais peut parfois conduire à des litiges importants si son contenu est faux ou que l’employeur refuse tout simplement de l’établir.

Nous allons ainsi vous présenter les différents aspects pratiques et juridiques du certificat de travail en Suisse.

Sommaire

A quoi sert le certificat de travail ?

Contrairement à nos voisins français où le certificat de travail n’est utilisé que pour justifier des périodes de travail auprès de l’administration et organismes sociaux, en Suisse il est en quelque sorte le « livret scolaire » du salarié. Il va en effet suivre le salarié tout au long de sa carrière et permettre aux futurs éventuels employeurs de s’assurer des qualités et qualifications du salarié.

Que dit la loi sur le certificat de travail ?

Le certificat de travail trouve sa base légale à l’article 330a du Code des obligations :

« Le travailleur peut demander en tout temps à l’employeur un certificat portant sur la nature et la durée des rapports de travail, ainsi que sur la qualité de son travail et sa conduite.

À la demande expresse du travailleur, le certificat ne porte que sur la nature et la durée des rapports de travail. »

L’article est composé de deux alinéas rédigés volontairement de manière succincte afin de laisser aux juges le soin d’interpréter l’article et l’adapter au mieux aux situations pratiques des relations de travail.

Ainsi la jurisprudence a pu dégager plusieurs principes à partir des notions de « nature et durée » et de « qualité de travail et conduite ».

Nature et durée du certificat de travail - toutes les tâches doivent être mentionnées

La question de la durée ne pose pas réellement de problème d’interprétation juridique, le certificat doit ainsi comporter les dates de début et de fin des rapports de travail.

Il s’agit surtout de la notion de nature qui a conduit le Tribunal fédéral à se prononcer plusieurs fois. Il s’agissait principalement des tâches que les salariés souhaitaient faire figurer dans le certificat afin de valoriser leurs compétences auprès de nouveaux employeurs.

Ainsi le Tribunal fédéral a précisé que la nature des rapports de travail devait inclure toutes missions sauf les tâches très inhabituelles ou minimes. Il peut en effet être intéressant pour un salarié pour pouvoir présenter mettre en avant des compétences secondaires qu’il aurait acquises au cours d’un emploi.

En cas de litige devant la juridiction prud’homale, le salarié doit pouvoir prouver que les tâches ont bien été effectuées. Par exemple dans une affaire opposant un employé de maison et son employeur, le salarié n’avait pas pu prouver certaines tâches accessoires.  La Cour de justice de Genève avait donc été contrainte de rejeter sa demande sur ces points particuliers (Cour de Justice de Genève, Arrêt du 27 février 2020, CAPH/52/2020).

Notre conseil :
Il n’est pas nécessaire d’exiger que figurent absolument toutes les tâches sur votre certificat de travail. Vérifiez simplement que les tâches que vous estimez pertinentes pour valoriser votre parcours et vos futures postulations sont présentes (Compétences acquises, pilotage de projet, management etc).

Certificat de travail complet/qualifié - Qualité du travail et conduite du salarié

Un premier arrêt du Tribunal fédéral de 2003 a dégagé un principe selon lequel le certificat de travail doit être véridique et complet (Tribunal fédéral, Arrêt du 25 février 2003, ATF 129 III 177).

Il a précisé par la suite que complet signifiait des informations complètes en bien et en mal (Tribunal fédéral, Arrêt du 13 septembre 2007, 4A_127/2007).

Cependant le Tribunal fédéral a rappelé que ce document servait à « faciliter l’avenir économique du travailleur » (Tribunal fédéral, Arrêt du 13 septembre 2007, 4A_117/2007).

Ainsi le but n’est pas de pénaliser inutilement le salarié mais seulement faire mention des points négatifs importants, c’est à dire les informations négatives pertinentes qui pourraient avoir des conséquences dans un emploi futur.

A titre d’exemple la mention d’une maladie longue durée qui a durablement empêché le salarié de travailler efficacement à son poste et ayant été la cause de son licenciement est acceptée par la jurisprudence. Également les problèmes d’alcool d’un salarié conducteur de poids lourd peuvent être mentionnés dans le certificat de travail.

Certificat de travail simple - Nature et durée du travail uniquement

Le certificat de travail simple ne comporte que la nature des tâches et la durée des rapports de travail. Il ne comprend donc pas les qualités du salarié ni sa conduite.

Le certificat de travail simple ne peut être établi qu’à la demande du salarié, par défaut l’établissement d’un certificat de travail donne toujours lieu à un certificat complet aussi appelé qualifié.

Il n’est pas recommandé de postuler avec un certificat de travail simple puisque les recruteurs n’auront pas accès aux informations qui les intéressent, c’est à dire la qualité de travail du salarié et sa conduite.

Certificat de travail final et Certificat de travail intermédiaire - quelles différences ?

Cette différence est issue de la pratique et a été permise par la rédaction de l’article 330a du Code des obligations. En effet le travailleur peut demander « en tout temps » un certificat.

Le certificat de travail intermédiaire est donc celui établi durant les rapports de travail et le certificat final est celui issu de la fin des rapports de travail.

Les professionnels des ressources humaines conseillent aux salariés de demander l’établissement d’un certificat de travail intermédiaire à chaque évènement important au cours d’un même emploi. Par exemple après une promotion, à l’obtention de nouvelles responsabilités ou à la mise en place d’un nouveau manager. Cela permet d’obtenir un certificat favorable et compenser un éventuel certificat final défavorable si les rapports de travail venaient à se dégrader en raison de la difficulté des nouvelles fonctions exercées ou d’un changement des méthodes de management.

Le certificat de travail intermédiaire est surtout utile lorsque le salarié souhaite quitter son entreprise actuelle et postuler auprès d’un nouvel employeur.

Cependant une demande inhabituelle de certificat de travail intermédiaire peut éveiller la suspicion légitime de l’employeur et lui faire perdre confiance en son salarié. En cas d’échec des candidatures du salarié, la continuité du travail pourrait s’en trouver impactée.

Notre conseil :
Si vous tenez à cacher vos projets de changement d’emploi à votre employeur, sachez qu’il n’est pas obligatoire d’apporter un certificat de travail intermédiaire à vos postulations.
 
Dans le cas où vous n’avez pas pour habitude de demander des certificats de travail intermédiaires à votre employeur, il est peut être préférable de réfléchir stratégiquement. A notre sens il existe plusieurs cas de figure mais cela dépend principalement de l’importance du salarié et de la taille de l’entreprise.
 
Si votre motif est celui d’un déménagement ou de tout autre motif n’impliquant pas votre départ dans une entreprise concurrente, alors la demande de certificat intermédiaire sera bien accueillie par votre employeur qui pourra anticiper votre départ et bénéficier de plus de temps pour trouver votre remplaçant.
 
A l’inverse, si votre motif de changement d’emploi est lié par exemple à des prétentions de salaire, que vos compétences sont rares ou valorisées et en particulier si vous êtes dans une petite structure, alors la prudence est de mise et il est sera peut être préférable de ne pas demander de certificat de travail intermédiaire.

Formulation du certificat de travail - Que signifient certaines tournures de phrase ?

Le Tribunal fédéral estime que l’employeur est libre d’utiliser les formulations qu’il souhaite du moment qu’il respecte le principe juridique de la bonne foi. Cela se traduit en pratique par « l’interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs et ambigus«  (Tribunal fédéral, Arrêt du 13 septembre 2007, 4A_117/2007).

Les fautes d’orthographe et de grammaire peuvent être également sanctionnées et faire l’objet d’une rectification.

Les juridictions inférieures nomment ce principe la « bienveillance », les jugements des prud’hommes sont formulés ainsi : « condamne l’employeur à délivrer au salarié un certificat de travail complet, bienveillant et propre à favoriser son avenir économique« .

Les professionnels des ressources humaines – par souci d’éviter les contentieux liés à des termes qui pourraient être perçus comme péjoratifs – ont donc adopté des tournures de phrase à première vue bienveillantes mais pouvant indiquer le contraire de leur sens premier. L’absence de certaines mentions peut aussi être une évaluation négative.

A titre d’exemple la formulation : « a donné satisfaction » indique un travail médiocre. Au contraire la formulation « a œuvré à notre entière satisfaction » signifie que le salarié était apprécié pour son travail. Une formulation telle que « à œuvré à notre pleine et entière satisfaction » est révélatrice d’un très bon travail.

En règle générale la présence d’adjectifs valorisants dans un certificat de travail est signe d’une bonne évaluation.

Que faire lorsque l'on estime que le contenu du certificat de travail est faux ou reflète mal la réalité ? L' action en rectification

Si vous êtes certain que le certificat établi n’est pas en adéquation avec vos performances et votre conduite au travail, qu’il comporte des oublis ou des fautes et que votre employeur refuse d’effectuer des modifications, il vous est ouvert l’action en rectification.

L’ action en rectification est une action en justice qui s’effectue au tribunal/chambre des prud’hommes en fonction du canton. Cette action nécessite que la rectification soit formulée en des termes clairs et précis. Cela signifie que le salarié doit présenter à la juridiction prud’homale un projet de texte ou des phrases qu’il souhaite modifier ou faire apparaître. Le juge ne peut pas écrire lui-même le texte, il peut uniquement accepter ou refuser les formulations présentées par le salarié (Tribunal fédéral, Arrêt du 18 septembre 2014, 4A_270/2014).

Il ne s’agit donc pas d’ajouter n’importe quels adjectifs ou tâches, les tribunaux refusent les termes fantaisistes, superflus et les tâches minimes. A titre d’exemple il est tout à fait possible de vouloir faire remplacer la mention « a donné satisfaction » qui est une formulation négative par « a donné entière satisfaction ».

Le salarié doit pouvoir prouver la véracité des rectifications qu’il invoque. Cependant le fardeau de la preuve ne repose pas entièrement sur le salarié. En effet les juges tiennent compte de la difficulté de rapporter la preuve et font intervenir l’employeur à l’instruction du dossier. Si l’employeur refuse de collaborer ou s’il ne parvient pas à justifier les motifs qui l’ont conduit à rédiger le certificat litigieux alors le juge pourra déclarer la demande de rectification du salarié comme fondée. (Tribunal fédéral, Arrêt du 5 septembre 2003, 4C_129/2003 ; Arrêt du 18 septembre 2014, 4A_270/2014).

L’obtention des preuves peut également être facilitée par les témoignages des supérieurs directs ou collègues du salarié. Pour rappel le témoignage est obligatoire et le refus d’un témoin de se présenter à l’instruction est puni d’une amende.

Notre conseil :
N’ayez pas peur d’aller exiger la rectification de votre certificat de travail devant le Tribunal des prud’hommes si vous pouvez prouver votre bon droit. Les juges sont habitués aux formulations ampoulées des professionnels des ressources humaines et connaissent leurs significations.

Vous serez également aidé par les témoignages des autres salariés de l’entreprise que les juges pourront faire intervenir.

L’action en rectification étant particulièrement complexe en termes de formulation, il est nécessaire d’être accompagné d’un avocat spécialisé en droit du travail.

Que faire lorsque l'employeur refuse d'établir un certificat de travail ? L'action en délivrance

Du côté de la délivrance du certificat de travail, qu’il soit intermédiaire ou final, la loi et la jurisprudence sont claires, la délivrance du certificat de travail sur demande du salarié est obligatoire.

En cas de refus de l’employeur, il est nécessaire de le mettre en demeure de s’exécuter. En cas de second refus il faut alors saisir la juridiction prud’homale par le biais d’une action en délivrance de certificat de travail.

L’action en délivrance contrairement à l’action en rectification n’a pas besoin de revêtir la forme d’un projet. Il suffit d’exiger la remise d’un certificat de travail devant la juridiction prud’homale.

Dans ce type d’action les tribunaux condamnent l’employeur à délivrer au salarié un certificat de travail « complet, bienveillant et propre à favoriser son avenir économique ». Cette formulation suffit en général à dissuader l’employeur indélicat de délivrer un certificat malveillant par représailles.

Si malgré tout le certificat est malveillant, l’action en rectification sera nécessaire. En outre la mauvaise foi de l’employeur sera prise en compte par le juge si la rédaction négative du certificat n’est pas justifiée.

Quel délai pour demander un certificat de travail final ?

Le délai pour demander un certificat de travail est de dix années. Il s’agit du délai propre aux créances de l’article 127 du Code des obligations.

Néanmoins, si l’employeur oublie d’établir un certificat de travail final à la fin des rapports de travail, il est recommandé de ne pas laisser écouler un délai trop important avant d’en faire la demande.

"Libre de tout engagement" - clause de non concurrence, attention au piège

La formule indiquant que le salarié est « libre de tout engagement » est parfois mal comprise par les employeurs et utilisée machinalement. Cette phrase n’est pas anodine puisqu’elle emporte la libération du débiteur en la personne du salarié.

Ainsi si ce dernier s’était rendu responsable d’un abandon de poste ouvrant droit à l’employeur à une indemnité, ou qu’il avait signé un contrat de travail comportant une clause de non concurrence, la libération de tout engagement emporte l’abandon par l’employeur d’en exiger l’invocation.

Si vous êtes employeur et souhaitez conserver votre droit d’invoquer une clause de non concurrence d’un contrat de travail, alors abstenez vous d’utiliser cette formule.

Avocat spécialisé en droit du travail en Suisse

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