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Comment réduire ou remettre en cause une contribution d'entretien ?
(pension alimentaire)

Sommaire

A quoi sert la contribution d'entretien - Rappel

La contribution d’entretien couramment appelée « pension alimentaire » est un mécanisme juridique de protection mis en place au moment du divorce. La contribution d’entretien a pour but de compenser les circonstances économiques défavorables qui pourraient toucher les enfants communs ou l’un des époux.

Elle consiste au versement d’une rente mensuelle pour une durée déterminée. Elle peut être établie par le juge ou de manière amiable par les époux lorsque le divorce a lieu par consentements mutuels. Elle est établie par le juge lorsque le divorce est unilatéral et doit être conduite devant un tribunal. Lorsqu’elle est établie de manière amiable via une procédure de divorce par consentement mutuel, elle figure dans la convention de divorce qui sera ratifiée par le juge. Elle peut enfin être établie par convention durant la procédure de divorce unilatérale.

Contribution d'entretien pour l'ex époux ou les enfants - Distinction

Il existe deux types de contributions d’entretien qu’il est important de bien distinguer :

  • La contribution d’entretien des enfants qui a pour base légale l’article 277 du Code civil. Elle est versée aux enfants mineurs ou majeurs en poursuite d’étude.
  • La contribution d’entretien de l’ex époux de l’article 125 du Code civil. Elle est versée au conjoint ne pouvant subvenir lui-même à son entretien convenable.

La contribution d’entretien à l’ex époux est souvent source d’incompréhensions quant à sa nécessité, son montant ou même sa durée. La logique derrière cette pension alimentaire est le maintien d’un nouveau de vie convenable de l’époux qui se serait consacré à la famille ou au couple au détriment de sa propre carrière professionnelle. La jurisprudence retient que la « contribution d’entretien en faveur de l’époux n’est due que si l’on ne peut pas raisonnablement attendre d’un époux qu’il pourvoie lui-même à son entretien convenable. En principe, la propre capacité à subvenir à ses besoins prime le droit à une contribution » (Arrêt du Tribunal fédéral, 22 mars 2017, 5A_201/2016).

Cependant il ne suffit pas que l’époux soit en mesure de trouver du travail. D’autres critères présents à l’article 125 du Code civil ainsi que des critères jurisprudentiels sont pris en compte tels que la durée du mariage, l’âge de l’époux exigeant la pension ou encore l’âge de l’enfant. Ces critères vont venir aider à déterminer le montant et la durée de la pension. Cette notion de calcul en fonction de différents critères nécessite à elle seule un article dédié qui sera publié prochainement.

Contribution d'entretien des enfants - Jusqu'à quel âge ?

Conformément au texte de l’article 277 du Code civil, l’obligation d’entretien du père et de la mère dure en principe jusqu’à la majorité de l’enfant.

Cependant celle-ci peut durer plus longtemps lorsque l’enfant poursuit des études ou n’a pas encore de formation lui permettant de travailler et être indépendant. L’obligation s’éteint quand la durée des études est anormalement longue (trop de redoublements ou trop de réorientations).

Contribution d'entretien des enfants - Changement de situation financière de l'un des parents

L’article 284 al. 2 du Code civil ouvre la possibilité à l’un des deux parents de saisir le juge pour demander la hausse, la réduction ou la suppression de la pension lorsque la situation de l’un des époux change.

Cependant la loi et la jurisprudence retiennent une stricte appréciation de la notion de « changement de situation » afin d’éviter la saisine abusive du juge. Ainsi la jurisprudence retient que « des faits nouveaux importants et durables soient survenus dans la situation du débirentier ou du crédirentier (…) La  procédure  de  modification  n’a  en  effet  pas  pour  but  de  corriger  le  premier  jugement,  mais  de  l’adapter  aux  circonstances  nouvelles » (Arrêt du Tribunal fédéral, 26 septembre 2011, 5A_99/2011).

Ainsi il est possible de prendre en compte une augmentation durable du niveau de vie de l’un des époux et qui se serait produite postérieurement au prononcé du divorce afin de rééquilibrer la répartition de la charge de l’entretien de l’enfant. A l’inverse il est possible de modifier la pension versée en faveur de l’enfant si la situation de l’un des époux s’est dégradée.

Par exemple le cas d’une période de chômage supérieure à quatre mois justifie la modification de la contribution d’entretien des enfants : « Selon la jurisprudence,  une  période  de  chômage  supérieure  à  quatre  mois  ne  peut  plus  être  considérée comme étant de courte durée; dans une telle situation, il convient en principe de tenir compte  des  indemnités  de  chômage  effectivement  perçues (…) Dans tous les cas, la question de savoir si la période de chômage est durable dépend des circonstances concrètes de  chaque  cas  d’espèce,  en  particulier  de  la  situation  économique » (Arrêt du Tribunal fédéral, 25 juin 2014, 5A_78/2014).

Les juges suprêmes précisent que la situation dépend du cas d’espèce, c’est doit dire qu’elle doit s’analyser au cas par cas et va surtout dépendre de la situation économique. Ainsi une période de chômage supérieure à quatre mois pourra ne pas être prise en compte si l’époux demandeur dispose d’un patrimoine important lui permettant de faire aisément face à la situation ou si les indemnités chômage sont d’un montant important et lui permettent de continuer à participer à la contribution d’entretien des enfants.

Remise en cause ou de réduction de la contribution d'entretien à l'ex époux

Remariage ou concubinage de l'ex époux

Le cas le plus simple de remise en cause de la pension alimentaire de l’époux est celui du remariage. Dans cette situation la pension alimentaire est supprimée de plein droit en vertu de l’article 130 du Code civil.
 
Une autre situation ouvrant droit à la suppression ou la réduction de la pension versée à l’ex époux est celle de sa mise en concubinage. Il est très fréquent que l’ex époux bénéficiaire d’une contribution d’entretien cache son nouveau statut de concubin. La jurisprudence estime que le concubinage peut faire perdre le droit à contribution d’entretien dans le but d’éviter la fraude de l’article 130 du Code civil sur le remariage. Il suffirait ainsi de ne pas se remarier pour profiter injustement de la pension versée par l’époux débirentier.
 
Cependant pour faire valoir le nouveau statut de concubin de l’ex époux bénéficiaire de la pension, il est nécessaire de prouver qu’il s’agit d’un « concubinage qualifié » c’est à dire une situation comparable à des époux. Selon la jurisprudence, le concubinage qualifié est : « une communauté de vie d’une certaine durée entre deux personnes de sexes opposés, à caractère en principe exclusif, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois également désignée comme communauté de toit, de table et de lit« (Arrêt du Tribunal fédéral, 17 janvier 2014, 5A_620/2013).
 
Il n’est pas nécessaire que le concubinage de l’ex époux corresponde à la totalité des critères de cette définition, la jurisprudence laisse au juge une certaine une marge d’appréciation. L’élément le plus important est la composante spirituelle, c’est à dire la communauté de destin : « Il importe en revanche de savoir s’il forme avec son nouveau partenaire une communauté de vie si étroite que celui-ci serait prêt à lui assurer fidélité et assistance, comme l’art. 159 al. 3 CC l’impose aux époux. La réalisation de cette condition ne dépend pas des moyens financiers des concubins, mais de leurs sentiments mutuels et de l’existence d’une communauté de destins » (Arrêt du Tribunal fédéral, 18 décembre 1997, 124 III 52).
 

Le juge procède à une appréciation globale de la situation des concubins et prendra en compte les éléments clés.

Il n’est par exemple pas nécessaire que les concubins vivent sous le même toit ou qu’ils fassent obligatoirement charges communes puisque c’est la composante spirituelle qui reste prépondérante (communauté de destin). Cependant les éléments de faits économiques et corporels constitueront en pratique les preuves les plus faciles à rapporter.

L’extrait d’arrêt cité est un bon exemple de l’analyse des preuves et éléments de faits par le juge :
– Vie commune dans une maison acquise en commun et financée à l’aide de prévoyance professionnelle (ici les composantes corporelles et économiques sont remplies, il en ressort également un facteur de stabilité).
– Paiement de tout ou partie du loyer, de l’entier des frais de nourriture en faveur du concubin sans emploi (composantes économiques et spirituelles remplies, en particulier sur le fait de porter assistance)
– Ouverture d’un compte commun (composante économique)
– Faire-part de décès mentionnant le nom des deux concubins (composante spirituelle)
– Inscription des concubins au contrôle des habitants à la même adresse (composante corporelle et facteur de stabilité).

l’intimée vit en concubinage avec C.B.________ depuis avril 2011, dans une maison acquise en copropriété, à raison d’un tiers pour l’intimée et de deux tiers pour son compagnon, et financée à l’aide de leur prévoyance professionnelle. Selon leurs déclarations, les concubins se sont rencontrés en 2005. A ce moment-là, l’intimée vivait dans l’ancienne maison familiale à U.________ avec ses enfants. Lorsque ceux-ci sont devenus indépendants, la maison a été vendue et l’intimée s’est établie à V.________. Voulant se rapprocher de ses enfants, elle a ensuite trouvé un logement à W.________ et, comme elle n’était pas libérée de son logement à V.________, son compagnon lui aurait payé les trois premiers mois de loyer de son nouveau logement, puis à partir du 15 octobre 2005, en aurait payé la moitié – malgré le fait qu’il eût continué à vivre à X.________ -, l’intimée n’ayant pratiquement pas de travail. Les intéressés se sont encore rapprochés ensuite du décès de la mère de C.B._______ en 2008, le faire-part de décès de celle-ci, daté du 18 décembre 2008, faisant mention de  » C.B._______et son amie B.A.________, à X.________ « . En automne 2010, les intéressés se sont tous les deux
inscrits au contrôle des habitants de la Commune de V.________ à la même adresse.
Selon eux, ils n’auraient toutefois fait ménage commun que depuis l’acquisition de leur maison, en avril 2011. D’après l’intimée, ils ont acheté ce bien pour  » avoir quelque chose à eux pour pas cher  » et ont ouvert un compte commun pour les dépenses liées aux charges hypothécaires. Si les deux intéressés ont indiqué qu’ils payaient chacun leurs propres charges, l’intimée a toutefois précisé qu’elle n’arrivait pas à s’en sortir et que son concubin payait l’entier des frais de nourriture.
Sur la base de ces éléments, la juridiction précédente a retenu que l’intimée vivait en concubinage en tout cas depuis avril 2011, date à laquelle elle avait emménagé avec son compagnon dans la maison acquise en commun. Dans la mesure où la situation financière du couple était relativement serrée et où l’immeuble avait été financé par la prévoyance professionnelle des deux intéressés, l’acquisition du bien immobilier était un signe d’engagement personnel suffisamment important pour admettre qu’elle constituait un facteur de stabilité.

Arrêt du Tribunal fédéral, 2 juin 2016, 5A-373/2015.

La question de la preuve peut s’avérer délicate puisqu’il apparaît dès lors difficile de rapporter la preuve de ce concubinage qualifié compte tenu du caractère privé évident du contexte où l’on doit se procurer la preuve. C’est pour cette raison que le recours à un enquêteur privé habilité à présenter au tribunal des rapports d’enquêtes est parfois indispensable. Il permettra de prouver plus facilement des éléments de faits au juge afin que celui-ci retienne un concubinage qualifié. Le recours à des témoins pourra également être utile.
 
Le Tribunal fédéral a cependant adouci ses exigences en matière de preuve. Dès lors que l’ex époux débiteur de la pension arrive à prouver qu’un simple concubinage (donc non qualifié) dure depuis au moins cinq ans, le juge présume que le concubinage est qualifié et il revient à l’ex époux bénéficiaire de la pension de prouver que son concubinage ne remplit pas les critères du concubinage qualifié (Arrêt du Tribunal fédéral, 17 janvier 2014, 5A_620/2013).
 
Il faut garder à l’esprit que cette jurisprudence a pour but d’éviter l’abus de droit de l’article 130 du Code civil sur le remariage, ainsi un concubinage que l’on qualifierait de passager ou non sérieux ne suffit pas pour remettre en cause une pension alimentaire. Il faut que l’on puisse prouver que les concubins sont des partenaires de vie, qu’il existe entre eux « un lien aussi étroit qu’entre époux« .

Amélioration ou dégradation de la situation financière

La contribution d’entretien de l’ex époux de l’article 129 du Code civil est régie par la même jurisprudence relative au changement de situation de l’un des époux applicable à la contribution d’entretien des enfants.

La notion de changement important et durable doit donc s’interpréter de la même manière. Elle s’applique aux mêmes situations telles que le chômage de l’un des époux ou à l’inverse une augmentation des ressources liées à une promotion, à une activité lucrative indépendante ou encore à l’héritage d’un important patrimoine.

Convention de divorce - vices du consentement et caractère inéquitable de la contribution d'entretien

Ces cas sont moins fréquents puisqu’en principe le juge est censé ratifier la convention de divorce « après s’être assuré que les époux l’ont conclue après mûre réflexion et de leur plein gré, qu’elle est claire et complète et qu’elle n’est pas manifestement inéquitable » (Art. 279 du Code de procédure civile).

Cependant des situations inéquitables peuvent apparaître postérieurement. C’est par exemple le cas de la méconnaissance de l’un des époux sur ses droits ou sur des éléments de faits. C’est aussi le cas lorsque l’un des époux a menti sur le montant de ses revenus ou de son patrimoine. Il est ainsi possible à la partie lésée de remettre en question le montant ou l’existence de la contribution d’entretien devant le juge en vertu du principe d’iniquité manifeste (art. 279 Code de procédure civile) et/ou en vertu du principe général des vices du consentement (erreur, dol ou menace).

S’agissant du principe d’iniquité manifeste seuls des praticiens du droit expérimentés pourront évaluer le caractère inéquitable ou non de la contribution d’entretien établie dans la convention de divorce. En effet l’évaluation du caractère inéquitable de la convention de divorce par le juge se fait à la lumière de ce que le juge aurait attribué à l’époux bénéficiaire de la pension dans le cadre d’un divorce litigieux (unilatéral). Il faut en conséquence avoir les connaissances et l’expérience juridique suffisantes pour savoir ce qu’un juge aurait déterminé dans un jugement de divorce.

S’agissant des vices du consentement, ils peuvent tout comme l’iniquité manifeste être invoqués en appel de la ratification de la convention par le juge ou postérieurement si l’erreur ou le dol se révèlent postérieurement. Le principe des vices du consentement permettra de remettre en cause l’élément litigieux sur lequel porte l’erreur, le dol ou la menace.

Il faut bien comprendre que la convention de divorce est une transaction particulière, c’est à dire un accord ayant pur but de prévenir tous litiges postérieurs. Ainsi elle doit permettre une certaine latitude aux époux dans l’élaboration de celle-ci et le rôle du juge n’est donc pas de vérifier la stricte équité au franc près. Le juge disposera d’une liberté d’appréciation et n’interviendra que s’il constate un écart important entre la convention de divorce et le jugement hypothétique qu’il aurait rendu : « Il doit y avoir une disproportion évidente entre les parts attribuées à chacun des époux, l’exigence que la convention ne soit pas manifestement inéquitable constituant un garde-fou destiné à éviter la ratification de conventions léonines ou spoliatrices. Le juge dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, l’adverbe «manifestement» utilisé par le législateur montrant que seuls des écarts importants par rapport à une solution équitable peuvent conduire à un refus de ratifier » (Arrêt du Tribunal fédéral, 5 août 2014, 5A_74/2014).

La remise en cause d’une pension alimentaire pour iniquité et/ou pour vices du consentement obéit en fonction des cas à des procédures différentes. La convention de divorce litigieuse peut en premier lieu être contestée sous la forme d’un appel dès sa ratification par le juge. Il est possible de la remettre en cause postérieurement par une action en révision ou une action en modification dès lors que le débiteur découvre son erreur ou le dol de son ex époux.

La remise en question ou la réduction d’une pension alimentaire consentie dans le cadre d’une convention de divorce reste dans tous les cas complexe. C’est pour cette raison qu’un avocat spécialisé en divorce est recommandé dans le cadre de l’élaboration d’une convention de divorce entre époux puisqu’il permet d’établir une convention équitable, conforme à la loi et permettant ainsi d’éviter tous litiges postérieurs.

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